Je vais vous conter une histoire qui hante les brumes de la Bretagne depuis des siècles.
C’est celle de Conomor, “Le Grand Chef” maudit par son propre destin.
Plongez dans la sombre légende de Conomor, un guerrier au cœur noir confronté à une prophétie implacable.
Entre trahisons sanglantes et interventions célestes, découvrez comment cette histoire continue d’inspirer les contes bretons.
Un seigneur cruel sous le ciel breton
Au VIe siècle, lorsque la Bretagne n’était encore qu’un patchwork de royaumes celtiques, vivait un homme redouté : Conomor, Comte de Poher.
Il régnait sur Carhaix, la capitale puissante de ses terres, perchée sur un oppidum gallo-romain renforcé par les Celtes.
Ce guerrier féroce, connu aussi bien pour sa bravoure que pour sa cruauté, avait gagné le surnom de “Konomor”, signifiant “le grand chef”.
Mais derrière cette gloire se cachait un cœur noir comme l’enfer, un homme qui tuait et pillait non pas pour conquérir, mais pour le plaisir.
Conomor, dit-on, portait en lui une ombre funeste – une prophétie terrible qui allait sceller son destin.
La malédiction d’un fils
Un jour, un devin vint à lui, tremblant devant sa stature imposante.
« Ô Seigneur », murmura-t-il, « prenez garde ! Un jour, votre propre fils causera votre perte. »
Ces mots glacèrent Conomor jusqu’à l’âme.
Plutôt que d’accepter son sort, il décida de le combattre à sa manière : avec la violence.
Quand son épouse donna naissance à un enfant, il ne prit aucun risque.
D’un geste brutal, il lui trancha la tête.
Et ainsi recommença-t-il, cinq fois.
Chaque nouvelle union finissait dans le sang, chaque grossesse condamnée avant même qu’elle ne voie le jour.
Mais voyez-vous, la roue du destin tourne toujours…
L’amour interdit et la fuite tragique
Un jour, au détour d’une route menant au monastère de Saint-Gildas-de-Rhuys, Conomor croisa Triphine, la fille du Comte de Vannes, Guerech.
Elle était si belle, si douce, que son cœur endurci frémit pour la première fois.
Il demanda aussitôt sa main.
Mais Guerech, effrayé par la réputation sanglante de Conomor, consulta Saint Gildas, un ermite pieux et respecté.
Saint Gildas imposa une condition : Conomor devrait observer une retraite spirituelle d’un an pour racheter ses crimes passés.
Contre toute attente, Conomor obéit.
Pendant ces longs mois, il se montra humble, priant nuit et jour.
Touché par ce changement miraculeux, Saint Gildas donna son accord, et le mariage fut célébré dans la joie.
Pourtant, la paix ne dura pas.
Un jour, revenant d’un voyage, Conomor surprit Triphine brodant un bonnet pour leur enfant à naître.
Fou de rage, il ordonna qu’on l’enferme dans son château.
Mais Triphine réussit à fuir, poursuivie par son mari armé jusqu’aux dents.
Dans sa course éperdue à travers bois, elle accoucha seule d’un fils, Trémeur.
Épuisée, serrant son bébé contre elle, elle tenta de continuer sa fuite.
Mais Conomor la rattrapa au sommet d’une colline.
Là, sans pitié, il leva son épée et lui trancha la tête.
Le miracle divin
Cependant, mes amis, Dieu veillait sur cette pauvre âme innocente.
Guerech, prévenu par un ange, alerta Saint Gildas.
Tous deux chevauchèrent à bride abattue jusqu’au lieu du drame.
Là-bas, ils découvrirent le corps sans vie de Triphine et son nouveau-né pleurant à ses côtés.
Alors, Saint Gildas prononça un mot sacré.
Aussitôt, Triphine se releva, tenant sa tête d’une main et son enfant de l’autre.
Ensemble, ils marchèrent vers le château de Conomor, suivis par les deux cavaliers.
À la porte du château, Saint Gildas interpella le meurtrier : « Reçois ta femme et ton fils ! »
Mais Conomor refusa de répondre.
Furieux, l’ermite jeta une poignée de terre vers les murailles.
Les tours s’écroulèrent, ensevelissant Conomor et ses hommes sous les ruines.
Triphine, quant à elle, retrouva la vie grâce à un autre miracle.
Son fils, baptisé Trémeur, devint plus tard moine au monastère de Saint-Gildas-de-Rhuys.
À Carhaix, une église fut érigée en son honneur, où une statue rappelle encore aujourd’hui son histoire.
La chute finale
Malgré tout, Conomor survécut à l’effondrement de son château.
Errant tel un spectre maudit, il continua ses exactions.
Il assassina même son propre frère, Iona, roi de Domnonée, pour usurper son trône.
Mais Judual, le fils légitime d’Iona, ne resta pas inactif.
Après avoir rassemblé ses forces, il livra trois batailles contre Conomor dans les monts d’Arrée.
Lors de la dernière, il transperça le tyran d’un coup de javelot fatal.
Ainsi s’accomplit la prophétie : bien que Conomor eût tout fait pour éviter ce destin, il périt de la main de son descendant – non pas directement, mais par l’héritier légitime qu’il avait cherché à écraser.
Une morale dans la brume
Voilà donc l’histoire de Conomor, dont le nom résonne encore dans les pierres anciennes de la Bretagne.
Que nous apprend-elle ?
Peut-être que nul ne peut échapper à son destin, aussi cruel soit-il.
Ou peut-être simplement que la cruauté finit toujours par se retourner contre celui qui la pratique.
Ainsi, dans chaque forêt, chaque vallée, chaque château en ruine, les histoires des temps anciens attendent d’être racontées.
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